Légendes et Folklore Partie 1 : La Superstition
Mélange de croyances païennes et de religions ou fruit d’un pragmatisme nourri par des expériences malencontreuses, la superstition est née dès que l’Homme a commencé à s’aventurer au large. Avec des embarcations plus ou moins sûres et une grande méconnaissance des phénomènes naturels, on imagine sans mal l’angoisse des marins, isolés en pleine mer et à la merci des éléments. Le besoin de se rassurer par différents rituels ou habitudes devenait alors obsessionnel.
Malgré l’évolution de la navigation, les progrès techniques et scientifiques, la superstition est encore omniprésente et semble ancrée à jamais dans la culture maritime.
Variant d’une région à l’autre, il en existe des dizaines, mais nous avons choisi de nous attarder sur les plus répandues :
Le « rongeur aux grandes oreilles »
Attention si vous êtes un marin superstitieux à bord de votre bateau, les lignes qui vont suivre parleront d’un certain animal à grandes oreilles particulièrement craint. Nous vous invitons donc à fermer cette newsletter et à la rouvrir une fois à terre…
Aujourd’hui animal de compagnie adoré par les enfants, ce petit mammifère est la créature la plus redoutée à bord. Si beaucoup de superstitions sont factuellement infondées, celle-ci avait tout son sens il y a encore 100 ans. Destiné à être consommé à bord, à l’instar du poulet et parfois du porc, notre rongeur était souvent embarqué pour les longues navigations.
Avant l’invention des résines et autres matières synthétiques, le chanvre était largement utilisé sur les bateaux. Il entrait dans la composition des différents cordages (qui arrimaient le mât ou retenaient les cargaisons), ainsi que de l’étoupe, utilisée comme joint et assurant l’étanchéité de la coque.
Or, il se trouve que notre animal bondissant en est particulièrement friand.
On imagine sans mal les conséquences dévastatrices que cela a pu entrainer lorsque par malheur un spécimen parvenait à s’échapper de sa cage. Cordages sectionnés, gréement endommagé, certains naufrages leur seraient même directement imputés. Déjà considéré par l’église comme un animal démoniaque, il provoquait la terreur au sein des équipages.
Aujourd’hui encore, prononcer son nom ou en embarquer une représentation (en image, sur un pyjama ou même en terrine…..) est de très mauvais augure.
Les autres animaux
En tant que chasseur de rongeurs en tout genre, le chat a toujours été bienvenu à bord, à moins bien entendu qu’il ne soit noir, croyance valable également à terre. Il pouvait soit disant prévoir la météo : s’il se frottait la face avec ses pattes avant, cela annonçait l’arrivée d’une tempête. Cependant, il ne faut surtout pas le forcer à monter à bord mais le laisser embarquer de lui-même…. pas toujours évident pour un animal qui n’aime pas l’eau.
Si la présence du chien ne pose pas de problème de notre côté de la Manche, chez les pêcheurs Britanniques, il est un obstacle à la bonne pêche, si bien que prononcer son nom est proscrit à bord.
Pour ce qui est des oiseaux, goélands et mouettes apportent plutôt de bons présages, ils porteraient l’âme des marins disparus en mer et dont le corps n’a pas été retrouvé. En revanche les albatros portent malheur s’ils se posent à proximité du bateau.
Les femmes
Les femmes font d’excellentes navigatrices, mais par le passé leur présence à bord était proscrite. Pas de panique, inutile de débarquer votre co-navigatrice à terre cette superstition n’a aujourd’hui plus de sens.
Néanmoins, avant le XVIIIème siècle cela posait un véritable problème ! Et pour cause, avec des équipages exclusivement masculins, sevrés de toute présence féminine pendant plusieurs semaines elles ne pouvaient qu’engendrer frustration, jalousie et convoitise. Il en découlait forcement des drames en tout genre (bagarres, mutineries, meurtres....).
On ne sait pas réellement si cette croyance est née spontanément au sein des équipages ou si elle a été créée de toute pièce par les capitaines ou les armateurs mais toujours est-il que les femmes étaient considérées comme un véritable porte-malheur.
Bougies et Cigarettes
Allumer une cigarette avec la flamme d’une bougie provoquerait la mort d’un marin quelque part dans le monde. Cette croyance vient probablement des femmes de marins qui, quand leurs époux partaient en mer, allumaient une bougie afin qu’ils puissent retrouver le chemin de la maison. Si leurs maris ne revenaient pas elles finissaient par éteindre la flamme, symbolisant donc la mort du marin. Lorsque l’on utilise la flamme d’une bougie pour allumer une cigarette, on risque de l’éteindre, ce qui renvoie donc à ce funeste rituel pratiqué autrefois.
Autre hypothèse, les Hospitaliers Sauveteurs Bretons (HSB), ancêtres de la SNSM, vendaient des allumettes pour financer son fonctionnement. Ne pas utiliser d’allumettes revenait indirectement à priver la HSB de dons.
Un Vocabulaire adapté…
Bout, filin, manœuvre, cordage…. Tous ces mots désignent la même chose : de la corde.
Mais si le marin a inventé autant de synonymes, c’est que ce terme est de très mauvais augure.
En effet les marins qui osaient se mutiner étaient à l’époque pendus, et parler de cordes les renvoyaient à ce châtiment.
Si le cabestan désigne une pièce d’accastillage, c’est aussi le terme qui était utilisé pour parler du curé. Cet homme de dieu, puisqu’il officiait pendant les funérailles était considéré comme un porte-malheur. Cela peut également s’expliquer par le fait que certaines parties de la Bretagne étaient protestantes et/ou communistes. Le curé Catholique n’était donc pas bienvenu. Avec sa robe noire il avait vaguement l’allure d’un cabestan, d’où ce surnom.
Issu d’un autre temps, empreint de croyances religieuses et de mysticisme où la mer était un monde imprévisible qui semblait échapper à la protection des dieux (qui en ces temps n’avaient pas le pied marin…), ce folklore amuse aujourd’hui les « non marins ».
Néanmoins, s’y intéresser permet de mieux comprendre l’histoire de tous ces gens dont la vie dépendait de la mer. Que ce soit pour ceux qui partaient ou celles qui les attendaient à terre, le quotidien était rythmé par le besoin de se rassurer ou de conjurer le sort.
La suite dans notre prochaine édition…