Les vagues scélérates, le mythe devenu réalité…
Vous êtes déjà probablement tombé sur une vidéo prise de la cabine d’un navire, dans une mer déchainée, se retrouvant d’un coup face à un mur d’eau qui déferle brutalement sur le pont. Voilà à quoi ressemble une vague scélérate…. Cette légende est née depuis que les navires s’aventurent au grand large. Cependant elles étaient plutôt considérées comme une légende créée par l’imagination des marins, exacerbée par des mois de navigation, la peur, la fatigue…. ou l’alcool.. Il aura fallu attendre le XXème siècle pour réellement entériner leur existence.
Un peu d’histoire
C’est donc au cours du XVème siècle et les premières navigations transatlantiques, que l’observation de vagues géantes ont été relatées.
Le fait qu’une vague démesurée apparaisse subitement sans que l’on puisse la prévoir ni l’éviter, lui a donné son surnom de scélérate.
La science a commencé à étudier les vagues au milieu du XIXème siècle mais il s’agit d’une mécanique très complexe intégrant un grand nombre de paramètres. Même si l’existence de ces vagues n’a jamais été niée par les scientifiques de l’époque, rien n’a permis de prouver leur existence ou même de les théoriser.
Il a donc fallu attendre l’ère moderne pour clairement les identifier et commencer à récolter des données.
Et c’est en 1995 en mer du Nord au Large de la Norvège, à bord de la plateforme pétrolière de Draupner que la première aurait été mesurée. Au milieu d’une houle d’environ 10 / 11 mètres est apparu une vague exceptionnelle mesurée à 26 mètres de haut. Le mythe était devenu réalité !
Avec l’avènement des bouées scientifiques, de la vidéosurveillance et même des relevés satellites, nous disposons désormais de données assez complètes.
Qu’est-ce qu’une vague scélérate ?
Même par gros temps, les vagues (leur hauteur, longueur et fréquence) restent à peu près similaires entres elles.
Pour mesurer une vague scélérate il faut donc d’abord connaitre l’état de la mer.
La « hauteur significative » des vagues est basée sur le 1/3 des plus hautes crêtes que l’on nomme « Hauteur Significative » (Hs).
Pour être considérée comme scélérate, une vague doit être 2,1 fois supérieur à cette « Hs ». Elles apparaissent même parfois en série de 2 à 4 unités.
Comment se forment-elles ?
Nous savons les identifier mais en pratique, pourquoi et comment apparaissent-elles ?
Ce que l’on sait, c’est qu’à un moment une vague vient « pomper » l’énergie de vagues voisines.
Notre vague devient alors un mur d’eau avec une pente extrêmement abrupte qui déferle sur ce qui est en dessous (heureusement sur rien d’autre qu’une autre vague la plupart du temps). Puis elle disparait aussi subitement qu’elle est apparue.
Et c’est à peu près tout ce que l’on sait. Grâce à des expériences en bassin ou sur des modèles informatiques il est possible de les reproduire mais hélas il est vain d’essayer de les prévoir ou les anticiper.
Techniquement, une vague est une onde, qui fait partie d’un ensemble de vagues qui se succèdent à intervalles réguliers (qu’on appelle longueur d’onde). Enfin, dans une piscine peut-être, mais sur la mer cette régularité est toute relative car ce phénomène physique est perturbé par le vent, les courants et le relief sous-marin.
Il y a donc beaucoup de paramètres, pas toujours lisibles, à prendre en compte pour anticiper leur apparition. Mais ce qui est certain c’est qu’elles apparaissent globalement lorsque la mer est démontée.
Les effets sur la navigation
Une vague normale de 3 mètres exerce une pression d’environ 6 tonnes au m².
Une onde de tempête de 10 mètres exercera elle une pression de 12 tonnes, mais ces vagues offrent généralement des pentes plutôt douces et régulières.
Comme nous l’évoquions ci-dessus, les vagues scélérates ont des pentes beaucoup plus raides, d’où l’impression de se retrouver face à un mur d’eau. Certaines d’entre elles pouvant atteindre une hauteur de 30 mètres, la pression exercée lorsqu’une telle quantité d’eau s’abat pourra dépasser les 100 tonnes au m².
Avec ces forces, même les navires modernes ne résistent plus.
Déjà au-delà de la pression sur la structure, la vague qui s’abat sur le pont peut endommager les installations et envoyer à la mer tout ce qui s’y trouve (containers, matériels et marins)
Lorsqu’elle est prise latéralement, le risque de chavirage est également important.
Mais les graves incidents se produisent lorsqu’un bateau de grande taille (tanker, vraquier, minéralier…) se retrouve pris par une série de vagues.
Les extrémités du bateau se retrouvent donc chacune sur une crête et il se retrouve alors partiellement dans le vide en son centre. Entre le poids du chargement et les forces exercées par les vagues, le bateau peut alors s’ouvrir en deux.
On estime que depuis les années 70, les vagues scélérates auraient été responsables d’une trentaine de naufrages et auraient fait environ 500 victimes à travers le monde.
La probabilités d’en rencontrer est déjà assez mince, mais en croiser une assez puissante pour couler un cargo par exemple, l’est encore plus.
Elles ne représentent donc qu’un très faible pourcentage des naufrages enregistrés, l’erreur humaine (souvent couplée à une mauvaise météo) en reste la cause principale.
Si vous vous retrouvez face à l’une de ces vagues, même à bord d’un petit bateau léger et maniable, il sera déjà a priori trop tard. Alors lorsqu’on fait 70 mètres de long et 2500 tonnes la seule chose à faire est de profiter du « spectacle »…
Globalement en évitant les mers déchainées vous ne devriez pas en rencontrer.